02 - Traverser les frontières - VIDEO

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Création artistique (2018-2019)

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Amos Gitaï Collège de France Création artistique Année 2018 - 2019 Traverser les frontières « Ce n’est pas moi qui politise mes films, ce sont eux qui m’ont politisé » À l’Ouest du Jourdain (2017) ; Journal de campagne (1982), extraits « Nous avions eu une sorte d’intuition, cinq ans avant l’Intifada, que ce que les Israéliens appelaient à l’époque une « occupation éclairée », une sorte d’occupation sans occupation mais avec une présence militaire visible, serait synonyme de grande tension. Pour Journal de Campagne, nous avons commencé à suivre un parcours, de manière méthodique, en usant du plan-séquence pour filmer divers épisodes. Chaque plan-séquence devient un chapitre du journal de tournage. À cette époque, on voulait empêcher que cette réalité de l’occupation soit filmée, parce qu’elle n’existait pas « officiellement ». Il fallait donc, coûte que coûte, supprimer les images. L’occupation est une idée abstraite, et le travail qui intéresse à mon avis chaque cinéaste est le suivant : comment décrire une abstraction ? Journal de campagne s’est fait de cette manière, en accumulant une série de situations filmées. Dans le contrat tacite qui me lie au spectateur, je me devais d’inscrire cette obsession ou cette insistance de filmer à tout prix. • Films : Journal de campagne (1982) ; À l’Ouest du Jourdain (2017) Journal de Campagne est un journal tourné dans les territoires occupés avant et pendant l’invasion du Liban en 1982. Amos Gitaï y arpente méthodiquement le même triangle de terre, filmant au jour le jour ce qu’il voit, le malaise des soldats israéliens devant la caméra, leur refus d’être filmés, l’état d’esprit des colons, les multiples formes du ressentiment des Palestiniens. Dans À l’Ouest du Jourdain, Amos Gitaï retourne dans les territoires occupés pour la première fois depuis Journal de campagne. Le film décrit les efforts de citoyens israéliens et palestiniens qui tentent de dépasser les conséquences de l’occupation. Des liens humains se sont tissés entre des militants des droits de l’homme, des journalistes, des militaires, des mères en deuil et même des colons. Devant l’absence de solutions politiques pour résoudre la question de l’occupation, ces hommes et ces femmes se dressent pour agir au nom de leur conscience civique. House et Wadi, deux trilogies documentaires filmées pendant un quart de siècle. Ananas « House et Wadi sont deux films pour lesquels j’ai éprouvé le besoin de revenir, plusieurs années plus tard, sur les mêmes lieux pour filmer les mêmes personnes. Wadi est pour moi une sorte de site archéologique, chaque personnage représentant une couche particulière d’une archéologie humaine. En fait, chaque film est pour moi comme un nouveau chapitre d’une chronique : j’enregistre différents états du territoire comme autant de couches archéologiques, parce qu’Israël se vit encore comme un État sans histoire, qui déploie des efforts surhumains pour excaver un petit morceau de mur de l’époque de Salomon et raser des quartiers entiers. On est toujours dans l’abstraction de la période sioniste. Avec House et Wadi, ce qui m’intéressait c’était d’enregistrer, grâce à ces films tournés à plusieurs années de distance, les transformations humaines à l’intérieur d’un même site. Pour Ananas, tout part d’une étiquette. Un jour, en ouvrant mon frigo, j’ai regardé de près une boîte d’ananas ; elle avait été fabriquée aux Philippines, mise en boîte à Honolulu, distribué à San Francisco, et l’étiquette « imprimé au Japon ». C’était une illustration concrète de l’économie des multinationales. Ananas, c’est un peu comme House : un microcosme ».