Les dessous de l'infox, la chronique - La vraie fausse affaire Hunter Biden

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Les dessous de l'infox, la chronique

News & Politics


À quatre jours du vote pour la présidentielle américaine, nombre d’électeurs ont déjà voté par anticipation, dans un climat des plus délétère, marqué par les thèses complotistes émanant de l’ultra droite américaine. Depuis la mi-octobre, c’est Hunter Biden, le fils du candidat démocrate Joe Biden, qui fait les frais d’une nouvelle campagne de dénigrement, dont on attend toujours les preuves. Nouveau rebondissement dans ce que les républicains présentent comme « l’affaire Hunter Biden » : la chaîne conservatrice Fox News qui promettait de montrer au grand jour les preuves des accusations portées contre Hunter Biden, a dû s’excuser de ne rien pouvoir dévoiler, car les documents transmis à la chaîne auraient été mystérieusement dérobés. Le colis censé contenir les documents incriminant Hunter Biden aurait été retrouvé vidé de son contenu. Le journaliste de Fox News Tucker Carlson indique que des recherches entreprises dans les locaux du transporteur privé auquel le colis aurait été confié – prestataire qu’il ne nomme pas – se sont avérées vaines. Cela fait donc des semaines que les sites ultra conservateurs, tels Breibart news, mais aussi America News network et le New York Post, répandent l’histoire du « laptop de l’enfer », ressassent ce récit cousu de fil blanc, sans aucun fondement. Le président Trump lui-même n’a pas hésité à y faire allusion lors d’un meeting de campagne, traitant la famille Biden « d’entreprise criminelle », sans s’attarder sur les faits et les preuves. L’histoire alléchante du « laptop de l’enfer » En résumé, Hunter Biden aurait porté lui-même un ordinateur à réparer, qu’il aurait négligemment oublié, alors qu’il contenait des données compromettantes, aussi bien sur des affaires de corruption impliquant son père, que sur des affaires de mœurs. Selon Fox News, l’informaticien chargé de restaurer les données de l’ordinateur en question y aurait trouvé 25 000 clichés relevant de la pédocriminalité ainsi que des échanges de mails sulfureux sur ses affaires en Ukraine et en Chine. Il en aurait référé au FBI, affirme Fox News et Breibart. Mais manifestement sans effet puisqu’aucune poursuite n’en témoigne. Ce qui explique peut-être que le clan Biden n’ait pas non plus souhaité réagir jusque-là, afin de ne pas crédibiliser ce scénario que rien ne vient corroborer. A l’origine, un tweet non authentique Pour le grand public, l’affaire démarre avec le tweet d’une journaliste de Fox News qui affirme avoir vu les documents compromettants, et confirme leur authenticité et leur lien avec Hunter Biden. Mais au bout de 24 heures, on apprenait que le compte de la journaliste en question avait été piraté et qu’elle n’était pas l’auteur du tweet. Mais le scandale était lancé, et en dépit de l’absence de preuve, d’influents politiciens républicains tels Newt Gingrich, ou encore Rudi Giuliani se répandaient à ce sujet sur les plateaux des chaines pro-Trump, abonnées aux faits alternatifs. Face au charactère douteux de l’affaire reprise et amplifiée par les adeptes complotistes de QAnon, Twitter décidait dans un premier temps, de bloquer le récit relayé par le New York Post qui, contrairement au New York Times, entretient un rapport plus qu’ambigu avec la réalité des faits. Accusé de censure, Twitter finit par laisser relayer l’article en question. Une campagne de dénigrement de plus Nul ne peut dire quel pourrait être l’impact de cette campagne de dénigrement sur l’élection, si ces allégations parviennent à influencer les électeurs indécis, mais l’épisode illustre le climat dégradé dans lequel les élections sont en train de se tenir aux États-Unis. Évoquant l’affaire du « laptop de l’enfer », Donald Trump a lui-même appelé les électeurs pro-Biden à retourner voter pour changer de vote. Ce vendredi 29 octobre, les journalistes Ben Collins et Brandy Zadrozny publient sur NBC News une enquête détaillant comment les faux documents ont été disséminés pour nuir au candidat démocrate en s'attaquant à son fils. Quant aux réseaux sociaux, ils ont mis en avant leurs efforts dans la lutte contre la désinformation, mais la rapidité de circulation de contenus émotionnels, comme cette affaire d’accusations à caractère pédopornographique échappe à tout contrôle. Si l’électeur américain parvient à s’informer en dépit de la pollution du débat par les infox, la désinformation risque néanmoins de peser sur l’acceptation des résultats du scrutin.