Les dessous de l'infox, la chronique - Non, le président Macron n'a pas l'intention de ficher les enfants musulmans

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Les dessous de l'infox, la chronique

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Une fausse information circule selon laquelle le président Macron envisagerait de ficher les enfants musulmans de France. L’infox a circulé sur les réseaux avant d’être démontée, mais la machine à désinformer a pris le relais et l’erreur – même corrigée – continue de circuler sur internet. Tout est parti d’une interprétation erronée du projet de loi « confortant les principes républicains », destiné notamment à lutter contre l’islamisme radical. Comme le souligne Tom Theuns, professeur assistant à l'Institut de sciences politiques de l'Université de Leiden, plusieurs médias anglo-saxons, dont la BBC, ont accusé à tort le président Macron de stigmatiser les Français musulmans à travers cette initiative, à des fins électorales, faisant ainsi le jeu de l’extrême droite. C’est aussi le point de vue d’une éditorialiste du Washington Post qui, dans un tweet du 21 novembre, dénonce le président Macron pour avoir décidé de ficher les enfants musulmans en leur attribuant un numéro d’identité. Karen Attiah – et ses 216 000 abonnés – est alors suivie par la ministre pakistanaise des Droits de l’homme, Shirin Mazari, qui assimile la mesure au port de l’étoile jaune imposée aux juifs par les nazis. Le média londonien en ligne The Muslim Vibe (TMV) fera un titre de cette infox, ajoutant « Macron continue de défendre ces lois terrifiantes » comme un moyen de protéger la laïcité. Tous se rétracteront, mais du bout des lèvres. Sur le site de TMV, un correctif a été publié reconnaissant avoir indiqué par erreur que les enfants musulmans se verront imposer un numéro d’identité exclusif, alors qu’en réalité la mesure s’applique à tous les enfants. Mais le titre mensonger n’est pas supprimé. Le site défend la thèse d’une « islamophobie d’État » en France, que partagent la plupart de ceux qui ont relayé l’infox. Accusations de discrimination infondées En réalité, rien dans ce projet de loi ne vient corroborer cette accusation. Il n’est pas question de réserver un traitement particulier aux enfants musulmans. Le numéro d’identité en question, appelé le numéro INE, est un « identifiant national étudiant », employé par l’Éducation nationale pour le suivi scolaire de tous les élèves de France de la maternelle au baccalauréat. Seuls les enfants éduqués en marge du système scolaire n’en avaient pas jusque-là. Le projet de loi prévoit d’en doter désormais tous les enfants d’âge scolaire, pour ne pas laisser de côté ceux qui se trouvent scolarisés à domicile, ou dans des écoles associatives clandestines, dont certaines dispensent un enseignement religieux intégriste. La mesure vise toutes les confessions sans discrimination. Les auteurs des tweets mensongers se sont rendu compte de leur erreur, mais trop tard. Et l’énergie déployée pour rétablir la vérité des faits permet à peine de diminuer l’impact de la désinformation sur ce sujet sensible. Sur les réseaux sociaux, les infox résistent à la correction Si l’erreur d’interprétation ne fait pas de doute, l’on constate que le retrait des tweets, les excuses et le correctif adopté par les médias en ligne qui ont propagé l’infox, ont beaucoup moins d’effet que l’erreur initiale. L’éditorialiste américaine a ensuite publié ce tweet « Je m’excuse sans équivoque pour l’erreur que j’ai faite en disant que le projet de loi de Macron vise les enfants musulmans. J’ai une responsabilité envers les faits. » Il aurait été préférable de vérifier l’information à la source, d’aller voir le projet de loi ou du moins ceux qui en ont analysé le contenu, avant de publier le premier tweet. L’empressement à répandre une information scandaleuse – mais non conforme à la réalité – venant étayer la thèse d’une dérive de la présidence française vers l’extrême droite tient du biais de confirmation. C’est le même biais de confirmation qui a poussé la ministre pakistanaise à relayer l’infox, provoquant la réaction du ministère français des Affaires étrangères. Dans un communiqué du 21 novembre, la porte-parole du Quai d’Orsay demandait au Pakistan de « rectifier ces propos et retrouver le chemin d’un dialogue fondé sur le respect ». Malheureusement, le tweet d’origine a poursuivi sa route sur les réseaux sociaux, relayé par des tweetos n’ayant aucune intention de rétablir la vérité, comme on peut le constater sur les comptes flirtant avec cet islamisme radical que le gouvernement tente de faire reculer. À peine un mois après la décapitation de l’enseignant Samuel Paty et l’attentat qui a fait trois morts dans une église de Nice, la propagation d’infox de cette nature est là pour attiser la haine.