Reportage France - Le Covid met les Restos du Cœur à flux tendu

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C’est peut-être l’une des campagnes d’hiver les plus difficiles qui débute pour les Restaurants du Cœur. À partir de ce mardi 24 novembre, tous les centres d’aide alimentaire de l’association ouvrent leurs portes, à destination des plus précaires. Et ils s’attendent à un « raz-de-marée » de la misère. À cause de la crise sanitaire et économique due au Covid-19, les centres des Restos en région parisienne, par exemple, aident 50% de personnes en plus par rapport à l’année dernière. Et pour les servir, il y a de moins en moins de bénévoles. Les retraités préfèrent rester chez eux et ne pas risquer d’être exposés au virus. Sans compter des inquiétudes sur les stocks. Seront-ils suffisants pour servir tout le monde à sa faim cet hiver ? Reportage dans le centre des Restos du Cœur de Sarcelles, dans une banlieue populaire de Paris. Dans son cabas, Drissia Rafik entasse quelques denrées, de la soupe, du lait, des gâteaux. De quoi tenir 2, 3 jours, pour cette mère de famille, au chômage depuis ce printemps. « Je faisais le ménage, par-ci par-là, sans être déclarée, avant le confinement. Depuis, plus personne n'accepte que je vienne chez elle. Si je ne me rends pas ici, aux Restos, qu'est-ce que je mange ? Rien ! » Des bénéficiaires comme elle, Marie-Claude Crozas en voit beaucoup dans son centre des Restos, à Sarcelles. 60 000 habitants, un tiers vivant sous le seuil de pauvreté selon l’INSEE en 2017. Et sûrement plus encore cette année. « Cet été, j’ai inscrit 1 300 familles. D’habitude, j’en ai 900 , décrit-elle. Je pense d’abord qu’il y a beaucoup de gens qui ne touchent plus la CAF. Et puis, les gens ne touchent pas leurs salaires. Le patron a versé, au début du confinement, le chômage partiel, et maintenant, il ne le paie plus. Cuisiniers, femmes de ménage. Aujourd’hui, ils viennent car ils n’ont plus rien. » Des services civiques pour soulager les bénévoles âgés Difficulté supplémentaire, cet afflux de nouveaux bénéficiaires doit être géré en respectant des mesures sanitaires exceptionnelles, Covid oblige. Dans cet ancien gymnase, il y a assez de place pour respecter les distances, créer un sens de circulation. Les bénéficiaires arrivent d’abord devant le stand des surgelés, tenu par Dalila Tiguemounine. « Avec le Covid, je suis un coup en chômage partiel, un coup au travail », explique cette quadragénaire, bénévole depuis le mois d'octobre. « Je m’ennuyais un peu à la maison, donc je me suis dit que j’allais aider les autres. Ici, on a besoin de main d’œuvre, surtout avec le Covid. Beaucoup de bénévoles hésitent, ne viennent plus, ont peur. Ici, quand je suis arrivée, la majorité était retraitée. » Plusieurs jeunes filles distribuent maintenant les denrées. Elles ont été engagées en service civique juste avant la campagne d’hiver. Françoise est soulagée. Cette retraitée est bénévole depuis deux ans aux Restos de Sarcelles. « Là, on a l’impression que ça reste assez cool, on n’est pas totalement débordés », estime-t-elle. « Mais on a eu des périodes très chaudes. En mai-juin, on était moitié moins en raison de la désertion des bénévoles. Et là, on était bien fatigués à la fin de la journée. » Manque de produits pour bébé ? Aux produits pour bébé, Danielle Lainé voit venir un autre problème à l’horizon, celui des stocks. « Sur les petits pots, en temps normal, j’en donne 6 par semaine aux bébés entre 6 et 12 mois », raconte-t-elle. « La semaine dernière, je n'en donnais plus qu’un pour en avoir pour tout le monde. C’est vrai qu’il faut être assez vigilant et crier au secours pour qu’il y ait de la réactivité. » Les entrepôts départementaux des Restos du Cœur livrent ainsi en urgence des denrées aux centres dans le besoin. Mais pour combien de temps encore ? Le président de l’association s’inquiète pour l’hiver prochain. Quand les conséquences de la crise économique seront toujours là et que la solidarité des supermarchés et des donateurs sera retombée.