Indonésie: la future capitale Nusantara, une menace pour les populations indigènes et l’écosystème

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Fréquence Asie

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Selon les prévisions les plus pessimistes, d’ici 2030, un tiers de la capitale indonésienne sera engloutie sous les eaux. En cause : la surpopulation (11 millions d’habitants), un pompage excessif des nappes phréatiques qui provoque l’affaissement des sols, les inondations et la hausse inéluctable du niveau de la mer provoquée par le réchauffement climatique. En 2019, la décision est prise : une nouvelle capitale verra le jour à 2 000 km de là, à Kalimantan, la partie indonésienne de l’île de Bornéo. Mais ce projet titanesque suscite de nombreuses controverses. La nouvelle capitale s’appellera Nusantara. Sa construction, retardée par la pandémie, devrait s’étaler en plusieurs étapes jusqu’en 2045. Ambitieux, le gouvernement envisage même un déménagement du pouvoir exécutif dès 2024. La future capitale « verte » sera construite sur l’île de Bornéo, connue pour abriter l’une des plus grandes forêts tropicales au monde. L’ONG AMAN, l’Alliance des peuples indigènes de l’archipel, lance un cri d’alarme : « Nusantara occupera à terme plus de 256 000 hectares de terres et une surface aquatique de plus de 68 000 hectares », dit Muhammad Arman, directeur de la politique, du droit et du plaidoyer pour les droits de l’homme. « Notre organisation dénombre 21 groupes indigènes qui vivent dans cette zone. Au total, onze de ces groupes soit 20 000 personnes sont directement affectés par le projet de développement de la future capitale. »  Un désastre pour les communautés autochtones locales Ce mégaprojet utopiste, d’une ville intelligente, qui se veut « zéro émission » et construite au beau milieu des arbres, est pourtant un désastre pour les communautés autochtones de la province de Kalimantan-Est. Ces populations sont déjà en conflit avec les exploitants miniers et d’huile de palme qui ont pullulé ces dernières années dans la région.  « La lutte contre l’invasion des plantations d’huile de palme sur leurs terres coutumières est une question de survie pour les indigènes. Ils se battent pour récupérer leurs terres qui ont été confisquées par ces sociétés. Ils doivent protester auprès du gouvernement local pour l’inciter à les reconnaître et à protéger leurs droits », alerte Muhammad Arman. Un vœu pieu, puisque leurs demandes de protection, notamment de leurs droits fonciers, sont restées jusqu’ici lettre morte. Les dangers qui pèsent sur ces populations sont pourtant bien réels. « Pour les indigènes, les terres coutumières constituent plus qu’un espace de vie. Elles font partie de leur identité. En perdant ces terres, ils perdent absolument tout ! La construction de la nouvelle capitale leur fera perdre aussi leur travail, car ils ne pourront plus exercer leur métier traditionnel que sont l’agriculture et la pêche », poursuit-il. Les écosystèmes de la province endommagés Une enquête récente de plusieurs ONG, dont AMAN, a révélé qu’au moins 162 permis d’exploitation minière de plantation, de sylviculture et de centrales électriques au charbon avaient été accordés dans la zone de la future capitale. Les écologistes sont convaincus que Nusantara endommagera aussi les écosystèmes de la province. Un avis que partage Muhammad Arman. La baie de Balikpapan est incluse dans le projet, cela aura forcément un impact sur l’écosystème des mangroves. Les mangroves couvrent une surface de plus de 12 000 hectares. Si cet écosystème est endommagé, les populations qui y vivent n’auront plus accès à l’eau potable et ne couvriront plus leurs besoins existentiels. De plus, la construction de ce mégaprojet aggravera la situation écologique. Des milliers de permis divers d’exploitation ont déjà été délivrés à des entreprises. Cela entraînera aussi sans aucun doute des inondations de plus en plus fréquentes dans la région de Kalimantan-Est.  Si les inquiétudes des organisations environnementales et de défense des droits humains s’avèrent fondées, avec son projet pharaonique, le gouvernement indonésien ne fera que déplacer un problème d’un point à un autre de l’archipel. Pour l’ONG AMAN, leur plus grand défi sera de faire reconnaître et de protéger les peuples autochtones, leur habitat, leur tradition et leurs moyens de subsistance. Mais la bataille s’annonce rude aux vues des investissements et des intérêts financiers des entreprises impliquées dans la construction de la nouvelle capitale politique.