Les dessous de l'infox, la chronique - Élections en France, les complotistes investissent le champ politique

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Les dessous de l'infox, la chronique

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L’émergence de listes dites « citoyennes » émanant de la mouvance conspirationniste intervient comme un fait nouveau sur la scène politique française à l’occasion des élections régionales. L’audience de ces nouveaux acteurs politiques est difficilement mesurable mais le phénomène a pris beaucoup d’ampleur sur internet avec la crise sanitaire du Covid-19.  Ces listes électorales issues de collectifs citoyens se disent « non partisanes », avec des candidats se présentant comme « hors système ». Parce qu’elles n’émanent pas de formations politiques connues jusque-là sur la scène politique française, leurs candidats sont considérés comme venant de nulle part, ce qui en réalité n’est pas tout à fait le cas. Elles s’appellent Un nôtre monde, France Démocratie directe, ou encore Union essentielle. Leur objectif affiché est de peser pour l’instauration d’une démocratie participative, solidaire et respectueuse de la nature. Ce sont les grands thèmes mis en avant sur leurs affiches et leurs sites internet. Mais il est impossible à ce stade de trouver le programme qu’elles entendent mettre en œuvre. Leur point commun est de mettre en lice de nombreux candidats convertis aux médecines naturelles, naturopathes et autres, comme par exemple Linda Rigaudeau, iridologue et micronutritioniste, qui conduit la liste Un nôtre monde-Pays de Loire. Mais derrière cette vitrine d’apparence inoffensive, derrière l’attachement à la défense du bien-être par des moyens naturels, une tout autre histoire se profile.   Non, les listes citoyennes ne viennent pas de nulle part  Ces listes sont en fait l’émanation des collectifs Reinfo Covid et Reinfo Libertés, créés en pleine pandémie. Ces associations totalement défiantes à l’égard des institutions en place et des médias, se proposent de fournir au public une vision alternative de la pandémie. Sur les réseaux, leurs membres ou sympathisants emploient les termes « coronacircus » ou « plandémie », faisant référence à des théories complotistes mettant en doute la réalité même du virus. « Plandémie » étant la contraction d'épidémie planifiée. Quand bien même ils admettent la réalité de l’émergence du coronavirus, ils en contestent le traitement par les principaux médias. Ils défendent une version des faits « alternative ». Ils vont jusqu’à remettre en cause la gravité de la pandémie, le nombre de morts du Covid-19. Ils s’en prennent aux masques, aux tests, accusent les autorités d’avoir préféré les vaccins à des traitements peu coûteux. Ils défendent la thèse d’un vaste complot ourdi dans l’ombre par les élites pour contrôler la population mondiale. Toutes les personnes sur ces listes n’adhèrent pas forcément à ces thèses complotistes, mais ceux qui ont suscité la création de ces listes, en sont d’ardents propagateurs. C’est le cas du docteur Louis Fouché qui intervient sur Reinfo Covid et dans d’innombrables vidéos auprès de figures de la sphère conspirationiste, connues pour divulguer sur les réseaux des préconisations non validées par les autorités de santé, tel que l’emploi de l’hydroxychloroquine et autres solutions plus fantaisistes les unes que les autres.  Un engagement politique non assumé  Mais le docteur Louis Fouché, à l’origine de cette nouvelle forme de proposition politique, à travers des listes citoyennes, n’assume pas son engagement politique. Dans l’une de ses dernières vidéos, il fait une mise au point dans laquelle il affirme une chose et son contraire. Il insiste, affirmant que pour sa part, il ne fait pas de politique. Mais en même temps, il explique avoir mis au défi les collectifs locaux de créer des listes électorales, lui, se bornant à fournir les outils pour les aider à faire des réunions, à désigner des candidats. « Les gens font ce qu’ils veulent » au final, dit-il, avant de préciser que bien entendu, ceux qui figureront sur ces listes doivent respecter la charte élaborée avec son collectif.  Il appelle les citoyens à « mettre le doigt dans l’engrenage », car de toute façon selon lui, « les élections sont un jeu de dupe ». Il estime qu’il faut jouer, qu’il faut en profiter. C’est une façon d’essaimer ses idées, curieux mélange New age, naturalisant, antiscience, antivax, opposé à l’école de la République. Des idées qui se rapprochent des préceptes de QAnon, qui voue un culte à Donald Trump censé « purger la société de ses élites satanistes et pédophiles ». Dans l’une de ses vidéos, le docteur Fouché affirme d’ailleurs, qu’après s’être occupé des élections, il s’occupera de l’éducation, ce qu’il fait déjà. Il rejoint en cela, un courant ultra-conservateur, qui prétend que l’éducation nationale corrompt les enfants et préfère lui substituer un autre système d’enseignement.   De la politique à la dérive sectaire  Très suivi sur les réseaux sociaux, le docteur Fouché se montre avant tout préoccupé du bien-être des gens. C’est alors qu’il renvoie vers des mouvements sectaires comme celui de Tal Schaller, qui prône l’urinothérapie, une pseudo thérapie incitant à se soigner en buvant son urine. Bien sûr, tous les candidats de ces listes dites citoyennes, n’adhèrent pas forcément à ces théories, mais il y a clairement un appel à mobiliser sur ces thèmes cultivant une réalité alternative, un appel que rejoignent d’anciens « gilets jaunes », présents dans les meetings et sur les pages Facebook de ces collectifs citoyens. Sachant qu’il est conseillé par les initiateurs de cette mouvance de ne pas écouter les journalistes, accusés de faire le jeu de l’élite mondialiste, il se peut que le public visé soit assez peu informé des dessous de cette mobilisation d’un genre nouveau.