Les dessous de l'infox, la chronique - Santé, immigration, on peut débattre de tout, y compris des chiffres

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Les dessous de l'infox, la chronique

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« On peut débattre de tout, sauf des chiffres », le slogan est asséné à la fin d’un clip du ministère de la Santé incitant à la vaccination. Pourtant, la pandémie et son caractère évolutif, ont montré en de nombreuses occasions que les chiffres pouvaient le cas échéant s’avérer trompeurs.  Tout dépend de la fiabilité des sources et du contexte.   Imaginez la scène, un déjeuner au soleil avec famille et amis, dans une bonne ambiance jusqu’à ce que la discussion débouche sur le vaccin, et là, crispation, entre celui qui ne s’estime pas concerné car, dit-il : « trop jeune pour être menacé », celui qui explique au contraire que c’est une nécessité pour la collectivité, et puis ceux qui doutent, expriment le besoin d’avoir du recul etc…Le clip se termine sur ces interrogations : « Entre nous, est-ce qu’on est sûr qu’il nous protège vraiment ce vaccin ? » « C’est vrai ça, est-ce qu’il est vraiment efficace ce vaccin ? » Puis deux affirmations en voix off : « On peut débattre de tout, sauf des chiffres ».   « Aujourd’hui, 8 personnes sur 10 hospitalisées à cause du Covid-19 ne sont pas vaccinées ».   Un slogan partiellement contestable  La communication gouvernementale n’est pas en faute sur le fond du problème, l’efficacité du vaccin. Il se trouve qu’aujourd’hui, effectivement, une grande majorité des patients qui développent une forme grave de la maladie ne sont pas vaccinés, c’est un constat. En proportion les non-vaccinés sont donc plus nombreux à l’hôpital que les vaccinés.  Le site du gouvernement permet d’ailleurs d’accéder aux dernières données chiffrées, grâce à un lien vers le site de données ouvertes de la DRESS, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Mais en général, on ne peut pas dire que les chiffres en tant que tels, sont un argument infaillible. Il faut débattre de tout, et surtout des chiffres, de leurs sources et du contexte. Il est probable que ce clip perde de sa pertinence à mesure que l’écart entre population vaccinée et non vaccinée continuera de se creuser. C'est un effet mathématique, les vaccinés pourraient alors devenir plus nombreux en proportion à l'hôpital, et cela n’indiquera pas que le vaccin n’a pas joué son rôle pour endiguer la pandémie. Les pourcentages bruts, sans mise en perspective, sans élément de contexte ne veulent pas tout dire. Parfois même, la désinformation passe par les chiffres, comme on a pu le voir sur les réseaux sociaux, où l’on a est –depuis le début de la pandémie- littéralement noyés sous les données chiffrées, souvent non sourcées, parfois complètement inventées ou sorties de leur contexte. Les antivax ont fait circulé nombre de documents quasi-illisibles, des courbes et graphiques ayant pour seul mérite d'apporter un semblant de caution scientifique. On notera par ailleurs que l'on peut aussi créer la confusion avec de bons chiffres. Par exemple, la variation du taux de contamination seule ne dit rien de la dangerosité de l’épidémie. On rappellera également que le nombre de morts ayant reçu le vaccin ne signifie pas « morts du fait de la vaccination », contrairement aux interprétations erronées qui circulent dans les milieux antivax.  Quand les chiffres interrogent Dans le débat politique, les chiffres sont parfois convoqués pour alimenter le discours xénophobe. L’extrême droite est coutumière du fait. Il y a un an, Marion Maréchal Le Pen évoquait la « surreprésentation de l’immigration dans la délinquance » sur la chaîne BFM TV. Ce jeudi 23 septembre 2021, ce thème ressurgit lors d’un débat opposant Jean-Luc Mélenchon à Eric Zemmour, chargé des mêmes insinuations. Eric Zemmour candidat présumé à la présidentielle affirme sur BFM TV : « Dans un rapport de 2020 qui listait des bandes criminelles, il n’y avait pas un nom français. Vous savez qu’il y a 25% d’étrangers dans les prisons françaises ? », une façon de souligner le lien entre immigré et criminalité, et de justifier une politique d’expulsions massives. Vérification faite, les données du ministère de la justice en avril 2020 dénombraient 65 000 détenus n’ayant pas la nationalité française soit 23,5% de la population carcérale, alors que la proportion d’étrangers dans la population en France avoisine les 7%. Même si monsieur Zemmour surestime leur nombre, la surreprésentation des étrangers en milieu carcéral est un fait.  Mais les chiffres en eux-mêmes, ne présentent qu’un aspect du problème. Il est impossible d’en déduire une plus grande propension au crime de la part des étrangers venus en France, comme l’insinue le candidat. D’après l’Observatoire international des prisons, citant les travaux de Virginie Gautron chercheuse en droit pénal, pour un même délit, un étranger a trois fois plus de risques d’être jugé en comparution immédiate et cinq fois plus de risques d’être placé en détention, pour éviter la fuite des prévenus à l’étranger. L'article est intitulé « Petites contributions de la justice aux discriminations sociales », autant dire qu'il ne rejoint pas l'analyse de Eric Zemmour.  Même lorsque les données chiffrées sont justes, leur interprétation fait débat.