Les dessous de l'infox, la chronique - Sphère complotiste et «gilets jaunes», la crise sanitaire a tissé des liens

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Les dessous de l'infox, la chronique

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Au premier tour des élections régionales, ce dimanche 20 juin 2020, la défiance vis-à-vis du personnel politique en France pourrait déboucher sur une abstention record. Face à ce constat, des personnalités qui se présentent comme « hors système » tentent leur chance dans six régions. Sur fond de théories conspirationnistes, elles affirment vouloir mettre à bas la « dictature sanitaire ». Difficile de savoir ce que ce mouvement donnera dans les urnes, mais sur les réseaux sociaux, les partisans de ces listes totalisent des centaines de milliers d’abonnés. Les têtes de listes - naturopathes, électricien ou autre - font figure de nouveaux venus en politique, mais si l’on prend l’exemple de la liste France Démocratie Directe, ses sympathisants sont souvent d’anciens « gilets jaunes » - disposant d'une certaine notoriété sur internet. Ils expriment un malaise social que la crise sanitaire n’a fait que renforcer. A ce discours revendicatif, s’ajoute les infox propagées par les milieux complotistes. Le tout alimente un mouvement de colère que la levée des mesures barrières n’est pas près d’apaiser. D’autant que les porte-voix de ce mouvement témoignent d’une certaine radicalité, avec des appels à pendre les élites dites « mondialistes », accusées d’avoir créé la crise de toute pièce. Les stars du mouvement, le chanteur Francis Lalanne, l’humoriste Jean-Marie Bigard, relayent les thèses de scientifiques en rupture de ban, adeptes de médecines alternatives et totalement opposés à la vaccination. « Gilets jaunes » et covid-sceptiques  C’est la défiance envers les institutions qui semblent faire converger ces deux mouvements. L’une des figures du mouvement des « gilets jaunes », dénommé Oliv Oliv poste des vidéos au ton virulent, en dénonçant notamment la vaccination des enfants. Le discours laisse entendre qu’il y a obligation vaccinale, alors qu'en réalité il y a simplement une campagne d’incitation à l’adresse des jeunes à partir de 12 ans qui souhaitent pouvoir retrouver une vie normale. Le paradoxe, c’est que la page Facebook de France démocratie directe qui relaye cette vidéo, de même qu’une pétition contre la vaccination des enfants, revendique « l’intelligence collective », tout en s’opposant à une mesure d’ordre sanitaire qui précisément implique la prise en compte du collectif. Les jeunes, en effet, sont moins touchés par le Covid-19 que les adultes et les personnes âgées, mais ils transmettent aussi le virus. Comme on a pu l’observer aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore à Moscou, l’épidémie peut reprendre là où la couverture vaccinale est trop faible. Si celle-ci était plus étendue chez les adultes, l’intérêt de faire vacciner les plus jeunes serait moindre. ► À lire aussi : Élections en France, les complotistes investissent le champ politique Des infox visant un large public Avec la levée des mesures barrières et la circulation d’un nouveau variant -le variant delta détecté en Inde- encore plus contagieux que les précédents, la vaccination reste un enjeu majeur. Au-delà des interrogations légitimes sur l’équilibre bénéfice-risque et les effets secondaires, l’on observe une forte résistance dans certains milieux, manifestement aggravée par les campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux. L’échantillon des infox, plus ou moins sophistiquées est de nature à toucher un public assez large. Il y a par exemple la fabrication de courbes et graphiques utilisant des données plus ou moins fantaisistes, parfois difficiles à vérifier, censés démontrer que les pays qui vaccinent sont ceux où il y a le plus de morts. En réalité, c’est parce qu’ils étaient très menacés par la pandémie que des pays comme le Royaume-Uni ou Israël ont mené une campagne de vaccination énergique, et non l’inverse. Des vidéos circulent indiquant que telle ou telle personnes est morte des suites du vaccin. Or, l’on s’aperçoit après enquête que la personne était atteinte de graves comorbidités, voire, décédée à la suite d’un accident n’ayant aucun rapport avec le coronavirus, encore faut-il prendre le temps de vérifier. Par ailleurs, les campagnes de désinformation abusent de l’effet statistique et tirent des conclusions erronées, car plus il y a de personnes vaccinées à l’échelle de la planète, plus les personnes à risque se font vacciner, plus la proportion de décès augmente. Ce qui ne dit rien de la dangerosité du vaccin. C’est une évidence, plus l’échantillon de population est grand, plus le nombre de décès rapporté à cette population augmente, sans qu’il soit possible de lier d’emblée ces décès au vaccin. Enfin dans un registre totalement farfelu, on voit circuler en provenance de divers endroits du monde, des vidéos tendant à prouver qu’après injection, on pouvait aimanter toute sorte d’objets métalliques au corps humain, alors qu’il suffit d’humidifier ou graisser la peau et l’objet -un téléphone portable par exemple- adhère au bras -avec ou sans vaccin- le temps d'un selfie. La séquence fait le buzz sur les réseaux, relayée par ceux que cela amuse, mais aussi par des internautes déjà bien travaillés par la peur de la maladie, autant que du remède.