Milorad Dodik, chef sécessionniste de la Republika Srpska

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Européen de la semaine

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Ce dimanche 9 janvier marque le trentième anniversaire de la Republika Srpska. Un anniversaire célébré avec faste par les autorités de l’entité serbe en Bosnie-Herzégovine, alors qu’un processus sécessionniste vient d’y être lancé. En coulisses : Milorad Dodik, le dirigeant nationaliste et sécessionniste qui vient tout juste d'être sanctionné par les États-Unis.  C’est le 10 décembre dernier, au parlement de la Republika Srpska (RS), que le processus de sécession a été officiellement lancé. À la manœuvre : Milorad Dodik, 62 ans, le dirigeant des Serbes de Bosnie qui a adopté depuis une quinzaine d’années une posture nationaliste, hostile à l’État fédéral de Bosnie-Herzégovine. Un positionnement radical qui tranche avec ses débuts en politique, beaucoup plus modérés. « Il a commencé sa carrière politique pendant la guerre, dans les années 1990, et à l’époque, il était dans l'opposition à Radovan Karadžić », explique Loïc Trégourès, enseignant en sciences politiques à l'Institut catholique de Paris. « À l’époque, il était vu par les Occidentaux comme quelqu'un sur qui on pouvait compter pour écarter les nationalistes serbes du pouvoir en Bosnie. Dans un premier temps, c'est ce qu'il a fait : dans les interviews de 1996-1997, par exemple, il disait que Karadžić devait être envoyé à La Haye…  Et dans ces années-là, il n’avait pas de problème à reconnaître que ce qui s'était produit à Srebrenica était un génocide. » Projet de sécession Au mitan des années 2000, changement de cap : Milorad Dodik dénonce les accords de Dayton, et critique, au fil de déclarations incendiaires, le fonctionnement de l’État centralisé. Aujourd’hui, Milorad Dodik n’hésite pas à glorifier des auteurs de crimes de guerre condamnés par la justice internationale – à commencer par Ratko Mladić – et le dirigeant des Serbes de Bosnie fait tout pour faire avancer la cause sécessionniste. « Ça fait quinze ans qu’il parle de faire sécession donc, évidemment, les gens ont certainement du mal à le prendre au sérieux. Mais là, il a annoncé son plan, et il le suit, s’inquiète Aline Cateux, doctorante en anthropologie, que RFI a jointe à Saravejo. On est dans un processus de sécession qui a été lancé : ce n’est plus une hypothèse de travail, c’est en train de devenir une réalité. » « Stratégies de protection » Un scénario cauchemar pour les habitants de Bosnie-Herzégovine qui gardent en mémoire les horreurs de la guerre : le siège de Sarajevo, le massacre de Srebrenica et les 100 000 tués du conflit le plus meurtrier qu’ait connu l’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.  « La population civile est encore aujourd’hui totalement traumatisée, poursuit Aline Cateux. Face à la menace des armes ou de la violence, les gens réagissent très vite et très fort en mettant en place des stratégies de protection. En novembre dernier, par exemple, tout le monde a vérifié la validité de son passeport et il y a eu des files d’attente devant les banques, parce que les gens étaient persuadés que la banque centrale allait fermer et qu’ils allaient perdre tout leur argent. » Pas de soutien populaire Le processus de sécession lancé par Milorad Dodik ravive des souvenirs douloureux – chez les musulmans et les Croates, mais également parmi les habitants de l’entité serbe de Bosnie. Paradoxalement, même au sein de la RS, le projet de sécession porté par Milorad Dodik ne recueille que très peu de soutien. « Aujourd’hui, il n’y a pas de mouvement populaire derrière cette idée en Republika Srpska, décrypte Loïc Tregoures, de l'Institut catholique de Paris. Même l'opposition à Milorad Dodik, qui est pourtant l'ancien parti de Karadžić, ne le suit pas. Non pas qu'ils sont opposés en soi au projet de sécession, mais parce qu’ils pensent que cela mènerait à la guerre, et que les gens n’en veulent pas. Ce qui se passe avec Milorad Dodik, c’est qu’il se sent en danger sur la scène politique et qu’à l’approche des élections générales prévues à l’automne 2022, il joue son va-tout. Mais il n’y a pas de mouvement populaire derrière et vous n'avez pas, dans les rues, des gens qui descendent en scandant des slogans favorables à la sécession. » Sur la scène internationale, Milorad Dodik peut compter sur le soutien de la Serbie et de la Russie. Et sur la faiblesse des réactions dans le camp occidental. Si les États-Unis ont décidé cette semaine de sanctionner le dirigeant des Serbes de Bosnie, l’Europe reste pour l’heure quasi muette sur un sujet pourtant explosif – comme l’a montré à maintes reprises l’histoire du XXe siècle.