Revue de presse française - À la Une: la douleur et la honte

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C’est le grand titre de La Croix : « la douleur et la honte » après la publication hier du rapport choc de la commission indépendante sur les abus sexuels au sein de l’Église catholique. « Le désastre est là, sous nos yeux, et va longtemps hanter les cœurs et les consciences, soupire le quotidien catholique. Le voile est levé sur ce que les membres de cette Commission qualifient unanimement de phénomène "systémique". Mandatés par les évêques et les congrégations, plaçant les victimes au centre de leur démarche, ils ont démonté la mécanique perverse qui a fait durer le silence et perdurer les agressions. (…) Et ils livrent cette estimation effarante : en sept décennies, environ 330.000 enfants ont été agressés ou violés par ceux-là mêmes qui avaient la charge de leur faire découvrir le Christ, prêtres, religieux ou laïcs au service de l’Église. Comment ne pas éprouver révolte, dégoût, honte, accablement ? ». Indignité « Abus sexuels : l’Église sous le choc de la vérité », s’exclameLe Figaro en première page. « On peut bien les disséquer, les comparer, les chiffres sont insoutenables. Ils révèlent l’ampleur de la pédophilie dans l’Église catholique. Un long cortège de victimes crie justice à sa porte : qu’as-tu fait de tes enfants ? (…) Ce rapport est accablant, poursuit Le Figaro, l’Église y apparaît dépouillée, la faiblesse de ses membres, jusqu’à l’indignité de certains, est montrée au grand jour. Elle fait preuve aussi de courage, acceptant de procéder à un éprouvant examen de conscience. Ce faisant, elle montre le chemin à toute la société, à l’Éducation nationale, au monde du sport et des loisirs, eux aussi touchés par le mal. » Un vrai aggiornamento ! Alors, pointe L’Humanité, « l’épiscopat, par la voix du président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, exprime "sa honte", "son effroi" et demande "pardon" aux victimes. Il était temps, s’exclame le quotidien communiste. Mais ce pardon ne suffira pas à dépasser l’insupportable vérité, qui dépeint la responsabilité collective d’une tragédie. (…) Car le problème n’est pas l’Eglise mais les victimes détruites à vie. Aller jusqu’au fond de la plaie, la désinfecter, réclame courage et lucidité, réparations et décisions fortes. (…) S’il n’était pas suivi d’effets, ce rapport terrifiant serait une trahison des victimes. (…) Du célibat au carcans d’un autre âge, l’aggiornamento de l’Eglise doit suivre. » « L’Eglise a besoin d’un vrai aggiornamento », rebondit Le Monde. « La commission Sauvé propose des pistes utiles, relève le quotidien du soir : l’Eglise doit reconnaître sa responsabilité en tant qu’institution, engager un mécanisme de "réparation financière" et modifier son mode de gouvernance, ses processus de formation et de prévention. Elle recommande de faire prévaloir la justice pénale sur le droit canon, qui ignore les victimes, de remettre en cause l’"excessive sacralisation de la personne du prêtre" et de ménager davantage de place aux femmes. Mais, s’interroge Le Monde, de telles mesures, minimales, peuvent-elles suffire à l’Eglise pour regagner la confiance perdue et prétendre faire à nouveau entendre sa voix dans la société ? Le fait que la quasi-totalité des abus sexuels constatés a été commise par des hommes interroge sur la place des femmes dans l’institution. Il questionne les structures mêmes de l’Eglise qui, fondée sur la domination masculine et refusant d’autoriser les femmes à dispenser des sacrements, doute d’un principe fondamental des sociétés modernes : l’égalité entre hommes et femmes. » Des actes explicites ! Libération hausse le ton : « face à l’horreur absolue, on attendait un geste fort de la part des responsables ecclésiaux. On l’attend toujours. Loin d’une démission collective, les victimes ont eu droit à des demandes contrites de pardon et à un communiqué inquiétant par son déni même : l’archevêque de Lyon, Mgr de Germay, ayant déclaré que "ces chiffres effroyables montrent que dans le passé l’Eglise a été défaillante. Comment diable, s’exclame Libé, peut-on préciser "dans le passé" en condamnant un mécanisme systémique de viols et de violences contre lequel rien n’a été fait ? "Dans la pensée implicite des évêques, il y a l’idée que le problème appartient au passé", souligne le rapport. Les victimes n’ont que faire des pensées implicites des évêques, tonne encore Libération. Ce sont leurs actes explicites de rédemption qui sont attendus. » Que va faire le Vatican ? « Comment réparer l’irréparable ? », s’interroge en écho Le Parisien. « Les mesures annoncées dans la foulée des révélations du rapport Sauvé sont bienvenues, mais elles ne touchent pas aux éléments qui ont favorisé ces dérives : l’organisation monarchique de l’institution à tous les niveaux, le recrutement des prêtres, le rapport à la sexualité, le rôle des femmes et sans doute la question du célibat. Ces évolutions ne peuvent venir que du Vatican, souligne Le Parisien. Benoît XVI, manquant de force, a préféré laisser la place alors qu’il pressentait la gravité de la crise. Le pape François semble déterminé mais doit compter sur une forte opposition des "conservateurs". Il n’est pas exagéré de dire que l’Eglise joue là une partie de son avenir. »