Témoignage: des vies volées, le sort des réfugiés du Park Hotel de Melbourne

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La saga australienne du numéro 1 mondial de tennis a mis un coup de projecteur inattendu sur le traitement inhumain des réfugiés en Australie. Dans l’attente de la décision de justice et de son expulsion du pays, devenue effective dimanche dernier, Novak Djokovic a séjourné plusieurs nuits dans le Park Hôtel de Melbourne. Un bâtiment de 5 étages, converti en 2020 en centre de rétention pour immigrés. La présence du champion serbe dans cet hôtel a révélé au monde entier l’existence de ces migrants, une quarantaine de pensionnaires, qui y sont enfermés en violation des obligations internationales de l’Australie envers les réfugiés et demandeurs d’asile.  Depuis le départ de Novak Djokovic, la rue devant le Park Hôtel du quartier de Carlton, à deux kilomètres du centre de Melbourne est de nouveau déserte. Seuls quelques rares militants continuent de brandir des pancartes en signe de soutien aux réfugiés. L’un des pensionnaires du Park Hotel est Mehdi Ali, il a 24 ans. Mehdi est issu de la minorité ethnique arabe Ahwazi, une communauté persécutée et discriminée dans le sud de l’Iran. « Nous avons franchi les eaux territoriales australiennes le 18 juillet 2013 et avons atteint l’île de Christmas le 22 juillet. On nous a immédiatement interpellés et donné des numéros. C’est par ces numéros qu’on nous identifie encore aujourd’hui. Je suis arrivé en Australie à l’âge de 15 ans, cela fait neuf ans que je suis en détention », raconte-t-il. ► À lire aussi : Australie : des dizaines de migrants libérés après des années de détention « La majorité de mes droits fondamentaux m’ont été retirés » Canberra applique l’une des politiques migratoires les plus strictes au monde et, depuis 2013, c’est « tolérance 0 » pour les demandeurs d’asile qui arrivent par bateau sur son territoire. Une fois interceptés, les réfugiés sont emmenés de force dans des camps de rétention offshore sur les îles de Manus ou Nauru, un micro État insulaire du Pacifique, où Mehdi va rester 6 ans. « Mon expérience est si difficile que j’ai du mal à en parler. Comme je suis arrivé à l’âge de 15 ans, je n’ai pas pu terminer mes études secondaires. J’ai été privé d’éducation et de soins médicaux. En fait, la majorité de mes droits fondamentaux m’ont été retirés. Tout ce que je peux dire c’est que ça a été une période sombre et froide », dit Mehdi. L’horreur des camps de détention Les mots manquent pour décrire l’horreur dans ces camps de détention offshore, les migrants y subissent des coups, des privations, certains se suicident en s’immolant par le feu. En 2019, le gouvernement australien adopte la loi Medevac censée faciliter les rapatriements sanitaires sur l’île continent pour les détenus ne pouvant être soignés sur place. Quelques dizaines de réfugiés en bénéficient dont Mehdi, qui après Brisbane est transféré à Melbourne. Psychologiquement je souffre, car je suis toujours en détention. Ce que je vis c’est de la torture, je suis traumatisé. Je suis venu en Australie pour demander une protection. Deux pays et les Nations unies reconnaissent mon statut de réfugié. Et pourtant les services d’immigration ont le pouvoir de nous déplacer d’un centre de détention à un autre, même si nous n’avons commis aucun crime. Je n’ai pas le droit de sortir dans la rue, de prendre un café, ou de rencontrer des gens, je ne peux pas cuisiner mes repas. Je suis enfermé dans une cage. Alors oui j’ai un avocat, mais il ne peut rien faire pour nous, car la loi autorise le ministre de l’Immigration de nous maintenir en détention autant qu’il le souhaite. Nous attendons ici impuissant de retrouver notre liberté.« Tout ce que je souhaite, c’est vivre » La présence de Novak Djokovic a provoqué une attention médiatique inespérée. Mehdi Ali lance un appel pour qu’on ne les oublie pas. « J’enchaîne les interviews et je fais de mon mieux pour que l’on continue à parler de nous. Plutôt que de couvrir les divorces de célébrités, les médias feraient mieux de parler de la maltraitance que nous subissons », dit-il. Puis d’ajouter : « Ce qui se passe ici est un désastre humanitaire. Les réfugiés souffrent, ont des pensées suicidaires. Les gens doivent savoir ce que nous vivons. Je suis vraiment épuisé, mon cerveau, mon corps sont fatigués. Tout ce que je souhaite, c’est vivre. Car cela fait 9 ans que je survis. Je veux juste sortir d’ici et marcher. »